Garibaldi s’incline devant le grand Ben


Après le départ du lion d’Orlinski, la Place Garibaldi à Nice attend désormais une œuvre de Ben. Plus qu’une sculpture, un souffle qui interroge la ville et ses habitants, un murmure où l’art et le politique se rencontrent sans éclat, simplement par la beauté et le regard.

Je marche sur Garibaldi et je sens que quelque chose a changé. Les pavés semblent plus clairs, mais le silence laisse une trace. Le lion est parti. Il a rugi un temps, fasciné, agacé, divisé. Et maintenant, il y a ce vide ce temps suspendu où la ville semble retenir son souffle.

Bientôt, Ben sera là. Sa sculpture ne criera pas, elle chuchotera. Elle ne dominera pas, elle invitera. Et dans ce murmure, dans ce geste fragile et puissant à la fois, il y a déjà la ville qui se raconte. Les regards qui se croisent, les pas qui ralentissent, les pensées qui s’éveillent. Tout cela sans qu’un mot ne soit prononcé.

Il y a une politique dans cette attente, mais elle ne s’affiche pas. Elle se glisse dans les interstices : dans le choix d’un artiste qui appartient à tous, dans la manière dont le public est invité à décider ce qu’il voit et ce qu’il ressent, dans ce dialogue silencieux entre l’œuvre et la cité. Une politique subtile, presque invisible, qui dit plus que tout ce que l’on pourrait écrire sur des affiches ou dans des discours.

Et moi, je m’arrête. Je respire. Je me laisse toucher par ce que Ben va déposer ici. La sculpture ne sera pas seulement un objet, elle sera un souffle. Un souffle capable de réveiller les souvenirs, d’ouvrir des questions, de faire sentir la ville autrement. Dans ce geste, la beauté et la réflexion se croisent, et le politique devient émotion.

Quand la sculpture se dressera enfin, je sais que Garibaldi sera habitée d’un autre temps. Celui où l’art transforme la ville, où le regard devient acte, où chaque pas devient conscience. Et je sais que je marcherai là encore et encore, à la fois spectatrice et habitante, touchée par ce murmure que seul Ben savait déposer.


✍️ Lucie Marchese